Tant aimé, tant détesté ! La vie d’un couple marié.
Ah ce fameux Beaujolais Nouveau, si grand, si connu, si réputé, si détesté. Un vis ma vie de Ségolène Royale face à François Hollande.
Père Blaireau, raconte-nous une histoire !
Dès 1951, il a été décidé que dans le Beaujolais il allait être possible de commercialiser le vin de l’année à partir du 13 novembre. Décalé au 15 novembre dès 1967, cela a été ensuite fixé définitivement au 3ème jeudi de novembre pour plus de praticité (on évite le week-end et le 11 novembre).
Puis bon ça laisse le temps de décuver le vendredi pour remettre ça le week-end.
La seule condition pour qu’il puisse être vendu si tôt dans l’année est d’apposer le mot NOUVEAU. Un peu comme quand t’es nouveau dans une boite et qu’on te colle l’étiquette du minot sur la tronche.
Et le Beaujolais, c’est quoi ?
Le Beaujolais est une région calée entre la Bourgogne (Mâcon) et Lyon. On est dans le département du Rhône mais on n’y fait pas que du Côtes-du-Rhône. On en fait très peu d’ailleurs, très largement moins que du Beaujolais. La capitale actuelle est Villefranche-sur-Saône mais été auparavant Beaujeu. Un nom prémonitoire.
Il est produit majoritairement à partir de Gamay. Quasi exclusivement d’ailleurs. Mais il peut également contenir jusqu’à 15% d’autres cépages plus ou moins étonnants : aligoté, chardonnay, pinot gris, pinot noir, etc…
Le célèbre Gamay noir à jus blanc, symbole régional des vins rouges et rosés. Autant dire que ça fait des vins hauts en couleur.

Comment peut-il arriver si tôt en bouteille ?
Le vin rouge prend généralement du temps avant d’être totalement prêt. La macération qui prend parfois plusieurs semaines, l’élevage qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années.
Ici, évidemment on laisse tomber l’élevage pour gagner du temps. Puis comme le but est de faire un vin léger, friand et facile, l’élevage ne serait pas nécessairement utile.
Ensuite on utilise une méthode (de feignasse ?) plus simple et plus rapide concernant la vinification.
La macération carbonique est cette fameuse méthode. Macération des raisins pendant 4 jours sous un air saturé en dioxyde de carbone. Ainsi, aucune oxydation n’est possible pendant cette étape.
On obtient ainsi un vin léger qui ressort une couleur claire et violine comme on l’aime.
Cette méthode a par ailleurs été reprise pour faire des vins dits de copains ou de soif. Dommage, cela ne fonctionne pas sur les belles-mères qui commencent à friper.

La légende du Beaujo-banane
On entend très souvent parler de ce fameux goût de banane dans le Beaujolais Nouveau. En effet, pendant de longues années, c’est ce qui se démarquait aromatiquement lors des dégustations.
On appelle cela un goût amylique. C’est dû à un composé qui se créé naturellement lors de macération carbonique (notamment). Il peut aller de la banane au bonbon anglais.
Il dépend également de la levure utilisée. Elle peut totalement changer les arômes qui ressortent du vin. Une vraie magicienne qui joue son plus beau spectacle en bouche.
Une success-story
Le succès a rapidement été au rendez-vous. Son sommet étant dans les années 1980. Un moment populaire incontournable. Jamais son troisième jeudi de novembre sans son Beaujolais Nouveau.
Il y en a eu des cartons et des gueules de bois.
Les atouts sont simples, un goût accessible et facile, un degré d’alcool bas, un moment festif, des prix bas et accessibles.
Tous les ingrédients étaient réunis pour que la France entière se réunisse pour trinquer.
On retrouve même d’autre régions se mettre à faire des vins primeurs, à Gaillac notamment, mais pas seulement. Le succès appelle le succès et donne des idées.
Il faut dire que pour les vignerons c’est une façon très intelligente de rentrer de la trésorerie très rapidement. Une formule économique des plus parfaites. Picsou en est jaloux.
Un produit de réputation mondiale
Le Beaujolais Nouveau n’est désormais plus à présenter. Sa réputation a largement dépassé nos frontières françaises. On dénombre la bagatelle de 54 millions de bouteilles vendues dans plus de 110 pays. Rien que ça !
Pour aller plus loin, la moitié est vendue en Asie dont une grande majorité pour la Corée du Sud et le Japon. Dans ce dernier pays, il est devenu un symbole car marque le début des signes d’un changement de saison et d’un passage à l’hiver. Il arrive parfois qu’ils se baignent dans des piscines de Beaujolais Nouveau. Sa réputation aux yeux de tous est plus importante que celle de Grands Crus Bordelais ou Bourguignons.
Bain peu efficace car très peu de japonais ne sont à cette heure devenus de grands champions de natation. Cependant, c’est le seul moment où boire la tasse est un bonheur (peut-on exceptionnellement appeler cela boire le verre plutôt que la tasse ?).


De la banane à la grimace
Depuis quelques années, un phénomène apparait, le Beaujolais bashing. L’image du Beaujolais Nouveau est telle qu’elle entache sur les vins plus classiques de la région (c’est ballot).
Raillé pour son goût de banane, sa faible qualité venant des faiseurs de masse vendus en grande distribution. Cet évènement toujours traditionnel reste pour beaucoup le seul moment de l’année pour boire un vin de la région du Beaujolais.
Une prise de conscience générale a permis de réagir. Il est inaudible d’entendre des clients refuser un Beaujolais Rouge pour demander un Brouilly (un des crus du Beaujolais). Il faut désormais montrer que Nouveau ou non, le vin y est bon.
La qualité des vins s’est donc réellement améliorée. Fini la levure qui banane, on revient sur du classique pour avoir du fruit rouge, du bonbon anglais et de la gourmandise.
Des actions de communication de grande ampleur ont été mises en place pour mettre en avant les vins locaux. Désormais les idées reçues commencent à s’estomper mais le chemin reste encore long.
C’est pourquoi il faut rester curieux, goûter, découvrir et redécouvrir pour se faire son propre avis. Ce n’est pas parce que son voisin aime se coincer les doigts dans les portes qu’il faut mécaniquement faire la même chose.
Donc le Beaujolais (Nouveau), il faut y aller, prendre des (demi) bouteilles sans à priori, il n’y a aucune chance de se faire bananer.

Un Blaireau et du Vin
RACONTEUR D'HISTOIRE VITICOLE FREELANCE
Après avoir recherché l’excellence et les 20/20, je suis désormais en quête du superbe et goûte vin sur vin. Découvrir, apprendre; questionner et déguster n’est jamais vain. Modestement je vous parle de ce breuvage des plus divins.